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Crédit: Renaud Wailliez
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Communiqué de presse- encadrer légalement l'utilisation des intelligences artificielles génératives

03 juillet 2023 Communiqués de presse
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Paris le 3 juillet 2023,

L'Union des Photographes Professionnels alerte les pouvoirs publics sur l'urgence  d'encadrer légalement l'utilisation des intelligences artificielles génératives

 

Dans le contexte actuel d'utilisation et de développement exponentiels des intelligences artificielles génératives, l'Union des Photographes Professionnels souligne la nécessité d'un encadrement législatif qui permette :

 

  1. D'adapter la législation relative au consentement et à la rémunération des auteurs dont les œuvres servent à entraîner les systèmes,
  2. D'assurer une protection aux productions des IA et à leurs créateurs,
  3. De garantir une transparence nécessaire pour éviter les abus et les dérives.

 

De nombreux enjeux législatifs se structurent autour de l'utilisation des IA génératives autant sur l'origine des images, le statut de l'utilisateur et de sa création, ainsi que des problématiques d'éthique, de transparence et de démocratie. 

 

Matthieu Baudeau, Président de l'UPP déclare : "Avec le poids économique grandissant des productions générées par IA, il devient essentiel de sécuriser les droits de ceux qui ont permis à ces productions d'exister, et d'éviter un vide juridique qui créerait à la fois un danger de parasitisme économique et un risque de dépossession des droits sur ces objets juridiques mal identifiés".

 

L'intelligence artificielle et ses enjeux feront l'objet d'une conférence organisée par l'UPP dans le cadre du festival ON/ OFF aux Rencontres d'Arles, le jeudi 6 juillet à 17h00, Cour de l'Archevêché.

 

 

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Intelligence artificielle générative et photographie

 

L’usage des intelligences artificielles génératives visuelles (MidJourney, Dall-E, etc.)  permet à tout un chacun, en décrivant ses attentes à l’aide d’un texte appelé “prompt”, d’obtenir en réponse immédiate du système une série de visuels dont la qualité s’améliore de jour en jour.

 

Les systèmes d’IA génératives s’appuient sur des algorithmes qui sont entraînés à associer des mots à des rendus visuels grâce à des processus de boucles de validation. Confronté à une image, le système tente un mot réponse et est conforté dans son choix ou corrigé en cas de mauvaise réponse. C’est la répétition à très grande échelle (des milliards de boucles sur des milliards d’images) qui permet l’apprentissage de l’IA. Ainsi, lorsque l’utilisateur sollicite le système par un mot, l’IA propose la réponse statistiquement la plus probable en se fondant sur ses expériences passées d’association mot/image. L’IA ne compile donc pas des images existantes mais “crée” en se fondant sur ce qui lui a été appris sur le mot utilisé dans le prompt.

 

1. Origine des images

 

Pour apprendre, le système d’intelligence artificielle générative est nourri par toutes les images, et plus particulièrement les photographies  présentes  sur  internet.  Ces photographies sont considérées en France comme des œuvres protégées par le droit d’auteur, puisque celui-ci protège toute œuvre de l’esprit dès sa création.

 

La Directive DAMUN 2019/790 a consacré une exception au droit d’auteur en autorisant la fouille de données (TDM) par les systèmes d’intelligence artificielle, y compris à des fins commerciales, et sauf retrait expressément exprimé par les auteurs “au moyen de procédés lisibles par des machines (métadonnées des images, conditions générales du site)”.

 

Dans les faits, aujourd’hui, ce mécanisme “d’opt out” est inopérant : d’une part parce que les métadonnées des images ne sont pas/ou mal reprises lorsque ces dernières sont partagées sur d’autres sites internet ou sur des réseaux sociaux, d’autre part parce que les conditions générales du site original de publication des photographies ne sont pas consultables lorsque la photographie est partagée, et enfin parce que ce mécanisme ne prend pas en compte les utilisations massives antérieures au texte de la directive instaurant cette règle.

 

De plus cette réglementation, pour récente qu’elle soit, n’a pas envisagé les usages que les IA génératives font des œuvres protégées : créer un système économique au sein duquel des acteurs (les sociétés d’IA) bénéficient de revenus générés par les abonnements des utilisateurs grâce à l’utilisation continuelle de contenus protégés pour entraîner leur système. 

 

À ce jour, les auteurs dont les œuvres ont été utilisées pour entraîner les IA ne sont pas consultés, n’ont pas donné leur consentement et ne sont pas rémunérés pour ces usages de leurs photographies. 

 

Il est donc essentiel de revoir le texte de la directive DAMUN afin d’organiser un partage de la valeur et établir des conditions justes d’utilisations passées et futures des photographies par les IA et en particulier :

 

  • Informer les parties prenantes des photographies utilisées à des fins d'entraînement par les systèmes d’IA,
  • Mettre en place un système de gestion des consentements des auteurs dont les images sont susceptibles d’être utilisées, 
  • Rémunérer les utilisations passées et futures des photographies utilisées par les IA.

 

Il est difficilement envisageable que les consentements et les rémunérations soient négociés individuellement  par les auteurs avec les IA. Aussi un mécanisme de gestion collective paraît-il le plus approprié pour réaliser un partage de la valeur plus conforme à ce que les conventions internationales relatives au droit d’auteur prévoient, c’est à dire l’interdiction des limitations ou exceptions aux droits d’auteur qui portent atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre et causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur.

 

2. Statut de l’utilisateur et de sa création

 

Nombre de juridictions nationales de par le monde s’accordent à dire que faute d’autorat humain, les producteurs/productions d’intelligence artificielle ne peuvent être protégées par les systèmes de copyright ou droit d’auteur. 

 

Pour autant, ce choix juridique n'est ni universel ni systématique, et les États se trouvent souvent dans une posture juridique délicate pour définir les limites des créations assistées par intelligence artificielle d'une part, et des productions générées par l'IA d'autre part - les premières se trouvant protégées par le droit d'auteur et non les secondes.

 

Parce que les artistes et auteurs vont de plus en plus régulièrement être amenés à travailler avec le concours de ces outils, et pour qu'ils puissent tirer ressource de leur travail dans un cadre juridique sécurisant, le législateur doit offrir un cadre juridique au "prompt art". Il est urgent de reconnaître le statut d'auteur à qui utilise l'IA générative comme moyen de s'exprimer et réaliser une oeuvre de l'esprit, et important de protéger la qualité originale des oeuvres issues de ses prompts.

 

Qu’il s’agisse d’une extension des droits d’auteur, d’un autre droit de la propriété intellectuelle ou d’un moyen alternatif de sécuriser les droits des créateurs, un régime doit être établi et mis en œuvre. Avec le poids économique grandissant des productions générées par IA, il devient essentiel de sécuriser les droits de ceux qui ont permis à ces productions d'exister, et d'éviter un vide juridique qui créerait à la fois un danger de parasitisme économique et un risque de dépossession des droits sur ces objets juridiques mal identifiés.

 

3. Éthique, transparence et démocratie

 

Dans un contexte où bien des images sont partagées et font l’objet d’une diffusion virale sans que leur véracité et leur éthique aient été validées, les intelligences artificielles représentent la plaque tournante d’informations personnelles dont l’origine et la destination ne peuvent faire l’objet d’aucun suivi ni contrôle. L’opacité du fonctionnement de ces systèmes porte préjudice au droit à la protection des données personnelles. 

 

Il est donc urgent de mettre en place une réglementation qui assure aux auteurs le respect de leur droit d’accès, de rectification, d’opposition et un droit à l’effacement de leurs données personnelles utilisées par les intelligences artificielles. Ce droit couvrirait : 

 

  • Les données protégées par le RGPD,
  • Mais aussi des créations dont ils sont les ayants-droit et sur lesquelles les IA ont été entraînées,
  • Ou encore les productions réalisées “à la manière de” ou “dans le style de” et qui génèrent des images susceptibles de leur porter préjudice soit par plagiat ou contrefaçon, soit par défaut de versement des droits d’auteur,
  • Et enfin les productions les représentant.

Dans un souci d’éthique et de transparence, pour lutter contre la désinformation en particulier, il est nécessaire que les images générées par intelligence artificielle puissent être immédiatement identifiables du grand public afin que chacun puisse en conscience effectuer son choix de contenu de communication, et diffuser ces images en toute transparence de leur véritable nature : photographie du monde réel ou image conçue sans souhait de documenter la réalité. L’avenir du journalisme, mais aussi plus généralement de la démocratie dépend de notre capacité à distinguer, dans la masse d’images qui nous entoure, le vrai du faux. 

 

Les acteurs proposant les outils d’IA génératives doivent être mis face à leurs responsabilités dans ce domaine.

 

 

À propos de l’UPP :

L’UPP est la première organisation professionnelle de défense des droits des photographes. Elle a pour but de promouvoir la profession et de veiller aux intérêts des photographes. Elle étudie toutes les questions sociales, économiques, juridiques ou autres intéressant la profession de photographe. Elle s’attache particulièrement au respect du droit d’auteur, tel que défini par le Code de la Propriété Intellectuelle. Travaillant en permanence pour défendre les auteurs et améliorer les conditions d’exercice de la profession, l’UPP représente les photographes auteurs, artisans et photojournalistes  auprès des pouvoirs publics et des organisations nationales et internationales.




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