Photographes : le point sur le droit à l'image

droits à l'image

Préambule

Les droits opposables aux photographes communément appelés « droit à l'image » sont le fruit d'une construction jurisprudentielle complexe et instable qui s'est développée au cours du XXe siècle.

Contrairement à ce qui est communément admis par le public, le droit à l'image n'est pas inscrit dans une loi. Les juges ont été amenés à apporter des solutions à des litiges relatifs à l'image dans lesquels il était nécessaire de mettre en balance diverses libertés fondamentales pour résoudre ces conflits (liberté d'expression, liberté de communication, droit de propriété, respect de la vie privée…). Le droit à l'image n'existe donc pas en tant que tel, il est plus juste juridiquement de parler de « droits opposables aux photographes ».

Le photographe doit se poser la question sur l'existence de droits qui lui seraient opposables et éventuellement se prémunir en demandant les autorisations pour pouvoir diffuser ces photographies. De manière générale, le photographe doit faire preuve de bon sens et avant toute prise de vue se poser la question de savoir s'il peut photographier et surtout s'il peut diffuser.

Droit à l'image du propriétaire

Image et propriété matérielle

Avant 2004, en cas de litige, les juges se basaient sur l'art. 544 du code civil et considéraient que l'image des biens était une composante de la propriété. Les propriétaires se prévalaient alors de leur droit de propriété pour interdire au photographe de publier leur bien.

Un arrêt de la Cour de Cassation du 7 mai 2004 a significativement clarifié le droit à l'image des biens. Le propriétaire qui veut intenter une action contre un photographe ayant photographié son bien, depuis l'espace public, doit désormais prouver devant les juges l'existence d'un « trouble anormal ».

Par contre, si la prise de vue est réalisée dans un lieu privé, il est conseillé d'obtenir une autorisation du propriétaire qui n'est pas tenu de justifier son refus.

Image et propriété immatérielle

Image et droits d'auteur

Le Code de la Propriété intellectuelle qui est la base juridique de notre profession d'auteur photographe, s'applique aussi aux autres auteurs (peintre , sculpteur, architecte, designer, graphiste, chorégraphe, écrivains…).

Leurs créations originales sont des œuvres de l'esprit protégées par le droit d'auteur (CPI). Le photographe doit obtenir l'autorisation de l'auteur de ces œuvres pour pouvoir diffuser ces photographies. Par exemple, un bâtiment récent sera protégé par le droit d'auteur de l'architecte et 70 ans après la mort de l'auteur. Il en va de même sculptures, peintures, œuvres littéraires mais aussi pour des photographies.

Le photographe doit prévenir son diffuseur sur l'existence d'autres droits patrimoniaux que les siens. Il appartient au diffuseur de rémunérer justement l'auteur de l'œuvre photographiée ainsi que le photographe pour les droits que chacun  cède.

Image et propriété industrielle

Nous sommes parfois amenés à photographier des biens sur lesquels apparaissent des marques, brevets, dénominations sociales ou par d'autres signes distinctifs. Ces éléments sont protégés par le Code de la Propriété Intellectuelle. Le photographe devra donc se prémunir d'une autorisation des titulaires de ces droits pour diffuser l'image.

 Droit au respect de la vie privée

Ce droit, base juridique du « droit à l'image des personnes », trouve son fondement dans l'art.9 du code civil qui dispose: « Chacun a droit au respect de sa vie privée .».

En cas de litige, les juges reconnaissent classiquement que « toute personne dispose sur son image, attribut de sa personnalité, et sur l'utilisation qui en est faite d'un droit exclusif, qui lui permet de s'opposer à sa diffusion sans son autorisation expresse ».

Par conséquent, dès lors qu'une personne est le sujet principal de l'image et parfaitement reconnaissable, il faut obtenir son autorisation. Cette obligation se trouve renforcée lorsque ce sont des mineurs qui sont photographiés. Dans ce cas, il faut l'autorisation de ses deux parents ou représentants légaux.

Cela ne signifie pas pour autant que dans toutes les situations les personnes photographiées pourront s'opposer à la diffusion de leur image. 
En effet, le juge a admis sur la base de la liberté d'expression et du droit à l'information du public (art.10 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme) qu'il était possible de publier des images de personnes impliquées dans un événement dès lors que cette image était destinée à l'information légitime du public et qu'elle ne portait pas atteinte à la dignité de cette personne.

Toute image d'actualité immédiate se trouve donc exonérée de demande d'autorisation.

Le juge a parfois entendu au sens large la notion le droit de l'information déboutant ainsi des personnes qui réclamaient des dommages et intérêts pour la diffusion de leur images sans leur autorisation.

Le 2 juin 2004, le Tribunal de grande instance de Paris reconnaissait que les photographies en cause étaient « une œuvre artistique par l'originalité de la démarche de l'auteur ». Dans cette décision, le photographe n'avait pas demandé l'autorisation des voyageurs du métro parisien. Il avait été considéré par les juges que le préjudice était inexistant parce que les portraits des personnes ne les montraient pas dans une situation dégradante ».

De même, le 25 juin 2007, concernant la publication du livre Perdre la tête publié qui réunissait des clichés d'anonymes et de célébrités pris dans la rue,  le Tribunal de grande instance de Paris a estimé que « l'atteinte à la dignité n'était pas établie et qu'il convenait de privilégier la liberté artistique sur le droit à l'image des personnes - même particulièrement vulnérables - que le photographe entend précisément défendre. »